Accéder au contenu principal

Articles

Affichage des articles du 2011

la technopole et le pôle de technologie

Voilà trente-cinq ans déjà que l'Académie française a tranché la question des technopoles . Le mot est féminin et s'écrit sans accent circonflexe sur le O : on doit dire et écrire une technopole . Le mot " un technopôle " n'existe pas - si ce n'est en tant que faute de français appelée cuistrerie (étalage d'un faux savoir). Sur le modèle de métropole , le terme technopole est formée à partir du grec polis , qui signifie ville , et non à partir du français pôle . Il reste pourtant une importante proportion de maires et de directeurs de la communication qui vantent "un technopôle " au lieu d'une technopole. Constatant cette fixation sur l'idée de pôle, l'Académie française propose à ceux qui ne veulent pas d'une sobre technopole d'employer alors l'expression pôle de technologie . Cette discorde entre technopole et technopôle n'aurait jamais eu lieu, sans doute, si les sons voyelles étaient correctement prononc

sur l'assassin

Un directeur de la police judiciaire française a déclaré à la télévision de son pays : " nous sommes remontés sur l'assassin " (sic). On l'imagine juché sur les épaules d'un assassin. Fâcheuse posture ou fâcheux discours que de " remonter sur " un assassin. Les ravages causés par l'abus de la préposition sur à la place de presque toutes les autres prépositions (" sur Bruxelles " au lieu de " à Bruxelles " ; " sur l'île " au lieu de " dans l'île " ; " là vous êtes sur un Modigliani " au lieu de " vous avez devant vous un Modigliani ", etc) s'étendent donc sans répit. Aujourd'hui, un haut fonctionnaire de police, membre de l'élite intellectuelle donc, et francophone de naissance, ne dit plus que son enquête lui a permis de remonter jusqu'à l'assassin, mais qu'elle lui a permis de remonter sur l'assassin. Ainsi la pauvreté du vocabulaire devient-elle

fortuité

En anglais, on appelle serendipity le fait d'effectuer une découverte inespérée. On cherchait quelque chose, on en trouve une autre. Et cette autre chose s'avère plus importante, plus précieuse, plus fructueuse. Internet est un lieu de recherches propice à de telles trouvailles. Inventé par Horace Walpole [ ci-contre portraituré par Ramsay, et ci-devant Comte d'Oxford ] en 1754, le mot serendipity a été importé par certains dans notre langue sous sa forme francisée sérendipité . Un peu pédant, très obscur, ce néologisme n'a pas eu grand succès dans le langage courant. Des Canadiens francophones lui ont récemment (vers 2000) trouvé un substitut autrement plus savoureux : la fortuité . Plus concis que la sérendipité [trois syllabes au lieu de cinq], plus euphonique et plus lumineux, le mot fortuité est immédiatement compréhensible. En prime, il agrandit à point nommé la petite famille déjà composée du couple fortuit et fortuitement , qui l'adopte sans hésit

Les 24 prochaines heures ou les prochaines 24 heures ?

À l'occasion d'une affaire de spéculation banquière, un journal télévisé s'interroge sur " les fameux cinq milliards " envolés. Au lieu des " cinq fameux milliards ".  Quel professionnel francophone de la langue écrite ou parlée peut se permettre d'ignorer qu'en français, l' adjectif cardinal [ici, " cinq "] doit toujours être placé avant le qualificatif [ici, " fameux "], jamais après lui ? Aucun. Car parmi leurs lecteurs et auditeurs, qui ignore qu'en français on a deux beaux enfants , et non " beaux deux enfants " ? Personne. Cette règle instinctive de la juste place de l'adjectif cardinal vaut pour les cinq fameux milliards comme pour les 24 prochaines heures et les 48 dernières heures . Tandis que "les prochaines 24 heures" (sic) ou "les dernières 48 heures" (sic) n'appartiennent pas à notre langue mais relèvent de la grammaire anglaise ( the last two days ), dont l

toujours très très

La tendance emphatique à redoubler, voire tripler, l'adverbe très n'est toujours pas en régression mais s'installe au contraire depuis maintenant quatre ans dans le français médiatique. " Nous vous souhaitons une très très bonne année " (France 2). " Le matin, il fera très très froid en région parisienne " (France 3, à propos d'une météo prévoyant tout juste un degré au-dessus de zéro, ce qui n'est pas sibérien). " Une exposition très très intéressante " (France Inter). " Concerts très très privés " (RTL). Bien entendu, ce tic de langage fait tache d'huile dans le public. Et c'est le français qui dérape. Et surtout, qui s'appauvrit. Car le redoublement de très très , toujours suivi d'une adjectif relativement pauvre ( froid, bon, intéressant , etc) sert aussi à se dispenser de puiser dans le vocabulaire foisonnant de la langue française un terme qui exprime avec justesse la très-très-tude , sans le secour

primaires citoyennes

Pour désigner une élection primaire, c'est-à-dire la première étape d'un processus électoral important, on a coutume de parler de " primaire ". Ou de " primaires ", au pluriel, si cette première étape comprend plusieurs scrutins successifs ou simultanés. Sur le plan linguistique, une primaire est un adjectif substantivé : un adjectif transformé en nom de chose. Ce procédé de style a toujours existé : le beau (pour la beauté ), le pire (pour ce qui peut nous arriver de pire ). Mais l'emploi d'adjectifs substantivés peut aussi relever d'une ignorance de la valeur syntaxique des mots. Les adjectifs substantivés sont alors une affection du langage. Et notre langue est actuellement couverte de ces pustules : des portables (téléphones ou ordinateurs ?), des consommables, des livrables, l'international, l'événementiel, les scolaires , etc. Journalistes et politiciens de France - tous professionnels de la langue, pourtant, et tous francopho

commanditaire, et non donneur d'ordres

À de très rares exceptions près, l'expression " donneur d'ordre" est incorrecte en français, parce qu'elle est employée par méprise sur le sens des termes qui la composent. Le mot anglais order signifie ordre , à tous les sens du terme français : l'ordre ordonné ( remettre en ordre ), ou l'ordre ordonnant ( donner des ordres ). Mais l'anglais order doit parfois se traduire par portion ( une portion de frites ), car le verbe to order signifie aussi commander, passer commande ; or une portion de frites est comprise par la langue anglaise comme une commande de frites , c'est-à-dire comme l' ordre donné et reçu de servir une certaine quantité de frites. Le mot anglais order est donc en partie un faux ami . À ce titre, il a fait germer en français contemporain une curieuse manière de dénommer ses clients, manière un rien brutale et oublieuse de du sens des mots : les donneurs d'ordre ! En réalité, il s'agit de ceux qui nous pas

les trois jalousies

Elle n'était plus de première jeunesse, mais toujours de première joliesse. Son amant l'adorait telle que l'âge l'avait faite. Hélas, selon le proverbe italien rapporté par Stendhal dans De l'amour : " Femme que jeunesse quitte, d'un rien se pique "... La jalousie de la dame était donc extrême. Mais de quelle jalousie parlons-nous ? Le français, comme beaucoup de langues, ne dispose que d'un mot pour trois sentiments distincts. Voilà un terrain de jeu pour les mordus de néologismes. Ceux qui s'égarent souvent à encombrer la langue de création inutiles quand des mots clairs et distincts existent. Tandis que la jalousie n'est pas claire, et nous manquons de mots pour l'exprimer finement. La femme qui est jalouse d'une inconnue parée de bijoux enviables mais qui n'est pas sa rivale sentimentale n'éprouve pas le même sentiment que la femme trompée qui en conçoit de la jalousie. Et celle-là n'est pas exactement dans l

les accidents voyageurs de la RATP

La RATP peine à formuler en français impeccable ses annonces sonores ou écrites. Tel un étranger s'égarant dans le dédale des couloirs, elle s'égare dans le sens des mots les plus simples. Ainsi la RATP annonce-t-elle des accidents voyageurs (sic) ou, mieux, des accidents de voyageurs . Or, en français, quand un bébé est victime d'un accident domestique et qu'on appelle à l'aide, on ne dit pas : " Au secours ! J'ai un accident de bébé " ! Par cette maladresse voulue (" Un accident de voyageur à la station Georges V ..."), on subodore que la RATP répugne à assumer le fait que des voyageurs soient victimes d'accidents dans le métro. Ou qu'ils s'y blessent accidentellement. Voire volontairement (tentatives de suicide). Alors, elle invente " l'accident de voyageur ". Comme ça, c'est la faute à personne. La Mission linguistique francophone rappelle donc que, partout dans le monde francophone, hélas, des pe

disponible à la location : un cas d'obésité de la langue

Sur les flancs de ses véhicules utilitaires, une grande entreprise de location proclame " 4000 véhicules disponibles à la location !" En français non tarabiscoté, non précieux, cela se dit : " 4000 véhicules à louer !". " À louer " : deux syllabes et six lettres. " Disponibles à la location " : quatre fois plus de syllabes et quatre fois plus de lettres. Sans bénéfice aucun. Qui croit encore que le français contemporain évolue vers plus de simplicité ? Qui croit encore qu'en se déformant et se boursouflant de la sorte, il évolue harmonieusement ? Quand un organisme vivant s'hypertrophie sans nécessité ni plaisir (et la langue française est un organisme vivant), ce n'est jamais signe de bonne santé ni de vitalité, mais toujours le symptôme d'un dérèglement alarmant. Cancérologues, cardiologues, phlébologues, endocrinologues, parasitologues et vétérinaires le savent. Professionnels de l'information, de la communicati

dédier

L'action décrite par le verbe dédier possède toujours en français une valeur d'hommage. Dédier une sonate à sa bien-aimée, c'est lui faire symboliquement don de cette composition pour louer ses sublimes qualités. Dédier n'a aucun autre sens en français - hormis les sens erronés qu'on tend à lui donner depuis une génération sous l'influence de mauvais traducteurs de l'anglais technique. Dédier une conférence à Beethoven, c'est  honorer la mémoire de Beethoven en l'association symboliquement au thème cette conférence. Ce n'est pas simplement lui consacrer une conférence, ni donner une conférence sur Beethoven. Mais on peut donner une conférence sur la surdité, et la dédier à Beethoven ; c'est-à-dire rendre hommage au passage à l'héroïsme de Beethoven face à ce handicap, bien qu'il ne soit pas le sujet de la conférence. Hélas, cette claire et forte singularité de sens, que personne n'ignorait au vingtième siècle, tend à

morbide, sordide et macabre

Parce que sa première syllabe est homonyme du mot mort , l'adjectif morbide est souvent employé par erreur pour désigner ce qui se rapporte à la mort, ce qui évoque des idées de mort. De même, en raison de la rime très riche qui les rapproche, les sens des adjectifs morbide et sordide sont fréquemment confondus. Or, ce qui est morbide se rapporte à la maladie et non à la mort (du latin morbidus : malsain ou maladif). Ce qui est sordide n'est pas maladif mais d'une repoussante bassesse. Ce qui apporte la mort est mortifère ou mortel . Ce qui évoque la mort ou s'y rapporte, ce qui se veut familier de la mort n'est pas morbide ni sordide mais macabre . Les idées morbides ne sont donc pas des idées de mort, mais des idées malsaines . Parmi lesquelles peuvent apparaître éventuellement des idées de mort (mort d'autrui ou suicide), qui sont alors des idées macabres . C'est bien parce que les concessions faites, parfois stoïquement, à l'idée

compte bancaire

Cette entente n'est malheureusement pas illicite, mais on jurerait que les grandes banques françaises se sont entendues pour que leur langue commerciale se fasse plus bête qu'elle n'est. Autrefois, le titulaire d'un compte bancaire [couple nom commun et adjectif] avait un numéro de compte [nom et complément de nom correctement formé]. Il a désormais un numéro client (sic) et un compte client (re-sic). Le mot client n'étant pas un adjectif, ces deux formules sont ce qu'on appelle couramment du charabia et savamment une parataxe . Quel que soit le nom qu'on leur donne, ce sont des fautes qui abrutissent le client. Ou le tiennent déjà pour un abruti, un assoifé de flagornerie commerciale auquel il faut rappeler que son compte est celui d'un client (on se doute que ce n'est pas celui d'un étranger à la banque...) et que le numéro qu'on lui demande, on le lui demande en tant que client bien-aimé. Qui cela gêne-t-il ? Ceux qui préfèreraie

un adjectif pour internet et ses surfeurs

Ceux qui naviguent sur internet sont appelés internautes . Pour qualifier ce qui se rapporte à la navigation sur internet, La Mission linguistique francophone recommande donc l'usage de l'adjectif internautique . En toute cohérence avec le substantif internaute . Le principe de création de ce néologisme nécessaire se fonde sur le modèle de la série aéronef, aéronaute, aéronautique : internet, internaute, internautique. Exemple : "S a frénésie internautique, de nature purement ludique, nuit à ses études ".  POUR ACCEDER A LA PAGE D'ACCUEIL DU SITE DE LA MISSION LINGUISTIQUE FRANCOPHONE, CLIQUEZ ICI NDE : Cet article remonte à 2010. Comme il est souvent consulté, nous le remettons sur le dessus de la pile. On peut lire aussi, ci-dessous, deux commentaires très intéressants qui prolongent cette proposition terminologique et en évoquent une autre , complémentaire. Miss L.F.

concertos et scénarios

Pas d'excès de zéle, pas de pédants  concerti ni  scénarii . Le pluriel de scénario est scénarios. Le pluriel de concerto est concertos . Tout comme le pluriel de lavabo est lavabos . L'Académie française a depuis longtemps tranché la question du pluriel des mots étrangers adoptés par le français : ils doivent être traités comme des mots français, c'est-à-dire équipés au pluriel d'un S final. On trouve pourtant encore de nombreux partisans des " concerti " et des " scénarii ", formes d'inspiration italienne. Mais d'inspiration, seulement, car le pluriel italien d'un éventuel mot italien scenario serait scenari , avec un seul i. Ces italianisations ostentatoires sont fautives en français, langue dans laquelle les pluriels corrects de ces mots français sont exclusivement concertos et scénarios . Car le mot scénario n'est pas un mot italien mais pleinement français, puisqu'il est équipé d'un accent aigu bien de che

les deux derniers mois, les trois premiers jours, les 48 prochaines heures

La langue française subit depuis l'an 2000 une sévère poussée de désorganisation dans l'emploi des adjectifs dernier, premier, prochain placés au contact d'un nombre. La grande majorité des journalistes, des orateurs politiques et des rédacteurs publicitaires s'obstinent à nous parler des " prochaines 48 heures " ou des " dernières 24 heures ". Entraînant le public dans les fautes qu'ils banalisent, ces professionnels de la langue oublient que le français ne se construit pas comme l'anglais. En français, l'adjectif cardinal ( un, deux, trois, etc ) doit toujours se situer avant l'adjectif qualificatif. Ce n'est pas une option, c'est une obligation. Le français exige que l'on dise : " j'ai trois grands enfants ", et non : " j'ai grands trois enfants ". On ne peut donc en aucun cas dire non plus " les dernières vingt-quatre heures ". Le seul ordre correct de ces mots est : &q

vol, viol, dol, bol et grivèlerie

Le dol , c'est le refus prémédité d'honorer une clause d'un contrat. La similitude d'aspect entre dol , vol et viol est flagrante. mais une autre forme d' extorsion se distingue de ce lot, quant à la forme du mot qui la désigne : le fait de filer sans payer son repas au restaurant s'appelle grivèlerie . Ce terme de grivèlerie est sans parenté notable avec vol, dol, viol . Toutefois certains estimeront que ne pas payer son repas au restaurant, ce n'est pas de la grivèlerie... c'est du bol ! CLIQUEZ ICI POUR ACCÉDER À LA PAGE D'ACCUEIL DE LA MISSION LINGUISTIQUE FRANCOPHONE [M•L•F•]  

les nouveaux Incroyables

À la fin du dix-huitième siècle, il y eut en France des excentriques des deux sexes qui se plaisaient à ne pas prononcer la consonne R. On les appelait les Incroyables [" Inc'oyables "] et les Merveilleuses [" Me'veilleuses "]. Cette toquade phonétique dura dix ans et passa de mode. La fin du vingtième siècle a vu apparaître de nouveaux Incroyables qui se plaisent, eux, à ne pas prononcer le son Ê en fin de mot [comme à la fin de sifflet ] et le transforment en son É [comme à la fin de sifflé ].(1) Ces partisans de la transformation du son Ê terminal se comptent aujourd'hui par millions [dont un Président de la République, connu pour avoir souvent déclaré " je veux laper dans le monde ", au lieu de " je veux la paix dans le monde "]. À les entendre, leur langue n'est pas le français mais le francé (sic). Ils sont sourds à la musique des voyelles et nous racontent ce qu'ils faisez (sic) au lieu de ce qu'ils faisai

qualitatif et requalification

A-t-on le droit d'être gêné par l'emploi surabondant de l'adjectif " qualitatif " dans le français courant et les échanges professionnels depuis 2010 ? Oui. Voici pourquoi. Cet adjectif, en vogue sous un sens faux, n'est pas du tout synonyme de " de bonne qualité " et ne convient donc pas dans une formule comme : " nos produits sont très qualitatifs ". L'adjectif qualitatif signifie "concernant la qualité"... bonne ou mauvaise. Porter un jugement qualitatif, c'est porter un jugement sur la qualité ; ce n'est pas un porter un jugement qui impressionne par sa qualité ; ce n'est pas non plus juger que la qualité est bonne. Il est un autre terme impropre, lié à l'idée de qualité, dont les urbanistes et les élus locaux abusent : la " requalification " architecturale ou urbaine, devenue dans leur esprit un synonyme de la notion de rénovation, de réhabilitation. Or, la requalification, en vrai françai

aliments essentiels

Pour désigner une liste de produits alimentaires de première nécessité proposés à prix modérés, le gouvernement français vient de forger la notion de " panier des essentiels ". On y retrouve deux tics de la préciosité du français médiatique et administratif contemporain : l'abus des métonymies ( panier ) et la substantivation des adjectifs ( les essentiels ). En fait, il s'agit d' aliments essentiels . Mais la formule aliments essentiels disconvient aux précieux d'aujourd'hui à double titre. D'une part l'adjectif ne se substitue pas au mot qu'il qualifie, il lui succède selon notre syntaxe. D'autre part le contenu ( aliments ou produits ou sélection ) n'est pas traduit par son contenant ( panier ). Autrement dit, la langue est simple, claire, directe, intemporelle. Et cela paraît bien fâcheux aux inventeurs d'écrans de fumée communicationnels, spontanément friands de vocables fumeux. NDA : Cette formule que nous critiquions lo

le ridicule tuera-t-il incessamment sous peu ?

Popularisée, et peut-être inventée, dans les années 1970 par un animateur de radio français nommé Gérard Klein, la formule " incessamment sous peu " visait un effet comique par l'association de deux synonymes en une expression sottement redondante et ampoulée. En effet, comme chacun le savait encore dans les années 1970, les adverbes incessamment et sous peu sont deux exacts synonymes signifiant l'un comme l'autre d'un instant à l'autre , dans peu de temps , avant longtemps , bientôt, très bientôt, rapidement, etc. Il est particulièrement navrant, voire inquiétant, d'entendre un demi-siècle plus tard des professionnels du discours sérieux (pédagogues, politiciens, journalistes, rédactrices et rédacteurs divers) ignorer la synonymie entre incessamment et sous peu , au point de reprendre l'expression comique " incessamment sous peu " avec gravité, en imaginant s'exprimer ainsi de façon raffinée. Dans d'autres métiers

les gens d'ici

Les médias de France nous bombardent de termes anglophone et de mauvaises traductions de l'anglais. C'est presque devenu leur activité première. Quand ce ne sont pas des termes anglais incrustés sans ménagement dans un message en français, ce sont des faux amis déversés sans prendre garde à leur tromperie. Ainsi assistons-nous dans de mauvaises traductions médiatiques à la multiplication des "locaux", non pas pour des pièces vides, mais au contraire pour ces foules que l'anglais appelle " the locals " : les personnes que l'on rencontre localement. En français, selon le contexte et le niveau de langue, the locals ce sont les gens d'ici , les autochtones , les indigènes , les aborigènes (s'ils sont là depuis les origines de l'humanité comme l'indique l'étymologie latine ab origines ), les gens du cru , les gens du coin ; éventuellement les montagnard, les insulaires, les villageois, les riverains ; et tout simplement les habitants

les publics et les personnels

La langue syndicale et celle du tourisme sont tombées tacitement d'accord pour imposer peu à peu dans le discours des pluriels vains. En France, plus un seul musée ne reçoit du public. Tous les musées reçoivent désormais des publics. L'habitude de morceler en un pluriel superflu un terme désignant un groupe composite est relativement récente dans le secteur du tourisme et de la culture, mais déjà ancienne dans le vocabulaire de l'entreprise. C'est peu après mai 1968 que les Directeurs du personnel se sont trouvés confrontés aux revendications des personnels. Sans doute parce que ce n'étaient pas les mêmes délégués du personnel qui défendaient les intérêts des cadres et ceux des ouvriers, des fraiseurs et des comptables, etc. Dans le cas de la culture et du tourisme, la justification avancée par les promoteurs de cette mode de l'accueil des publics est la suivante : les handicapés (pardon : " les personnes en situation de handicap ") n

guérillas et guérilleros

La presse francophone regorge de ce genre de titres : " La guérilla refuse de libérer les otages ". Or, ce n'est pas la guérilla qui refuse, ce sont les guérilleros . Ceux qui emploient guérilla au lieu de guérilleros diront qu'ils s'expriment par métonymie . C'est vrai, et c'est faux. C'est vrai car ils emploient le mot qui désigne une situation ou une action (la guérilla) pour évoquer ceux qui en sont les acteurs (les guérilleros). Mais c'est faux car il s'agit en fait - une fois encore - d'une bête erreur de traduction de l'anglais. Guérilla vient certes de l'espagnol guerrilla (petite guerre), et non de l'anglais. Mais il se trouve qu'en anglais, guerilleros se dit guerrillas . Des dépêches de presse anglophones mal traduites ont fait le reste : " The Guerrillas Surrender " ("Les guérilleros se rendent") a été traduit par " La guérilla se rend ". Les journalistes puis les politiciens

bonnet d'âne et "ferme célébrités"

Cette accorte chanteuse de variété arborant de gigantesques boucles d'oreille est là pour rappeler aux dirigeants de la chaîne de télévision TF1 que le complément de nom ne peut pas se construire en français par simple juxtaposition, comme il peut l'être en anglais. L'anglais earrings (littéralement oreilleanneaux , donc anneaux d'oreille ) ne désigne pas en français des " boucle oreilles " mais des boucles d 'oreilles . Et une " Ferme célébrités " [titre d'une émission de TF1], c'est quoi ? Un élevage d'ânes ? Non. C'est le fruit d'un lancinant travail de sape de la langue effectué par des dirigeants surpayés - si toutefois la maîtrise de leur propre langue reste un critère d'appréciation minimal de leur compétence et donc de leur rémunération - aux commandes d'un des plus puissants médias de la Francophonie. CLIQUEZ ICI POUR ACCEDER A LA PAGE D'ACCUEIL DU SITE DE LA MISSION LINGUISTIQUE FRANCOPHONE [MLF]

appartements disponibles à la vente (et prix repartis à la hausse)

Les observateurs de la Mission linguistique francophone ont mis en évidence une nette tendance à la préciosité dans le français de France depuis deux décennies. L'un des signes de cette tendance est le goût des tournures inutilement compliquées. Comme " reparti à la hausse " (sic) au lieu de " en hausse ". Ou comme le remplacement des écriteaux " appartement à louer " par de lourds " appartement à la location ". Le français courant, notamment celui du commerce et du journalisme, est ainsi envahi d'objets " disponibles à la vente " ou " disponibles à la location ", alors que ces objets sont tout simplement à vendre ou à louer . POUR ACCÉDER À LA PAGE D'ACCUEIL DU SITE, CLIQUEZ ICI

homoparental

" Homoparental " et " homoparentalité " sont des néologismes formés par croisement de grec ( homo ) et de latin ( parent ), ce qui n'est pas recommandé en principe : mieux vaut polychrome (tout grec) et multicolore (tout latin) que polycolore et multichrome qui s'emmêlent les pinceaux. Mais là n'est pas le problème. La Mission linguistique francophone a observé, voici dix ans déjà, que les néologismes homoparental et homoparentalité étaient employés dans des sens incompatibles avec leur étymologie, donc incohérents avec la langue française. En effet, homoparental est employé aux sens suivants : constitué de parents homosexuels (couple homoparental) ; sollicité ou accompli par un couple homosexuel (adoption homoparentale). Homoparentalité est employé pour désigner la condition parentale d'un couple homosexuel. Or, le préfixe grec homo signifie de même nature, identique . Et non homosexuel . Les homonymes ont le même nom (ils n'on

huissiers et huisserie

En vieux français, une porte était un huis . Tout ce qui concerne portes et fenêtres dans une construction s'appelle aujourd'hui encore huisserie . Ici, la terminologie de l'architecture rejoint celle de la justice et de ses huissiers. D'où vient ce nom d' huissiers de justice ? Non pas du fait qu'ils frappent à votre porte , avec des intentions parfois sévères - ni qu'ils vous dissuadent de jeter votre argent par les fenêtres - mais du fait que leur fonction première fut de garder l'entrée des tribunaux pour empêcher quiconque d'y écouter aux portes. Les huissiers protégeaient ainsi le secret des délibérations, derrière leurs portes fermées - en vieux français : leurs huis clos . Cette mission de confiance supposait de tels mérites que, par édit de janvier 1691, le Premier huissier du parlement de Paris était anobli d'office. Il existe en français d'autres huissiers que les huissiers de justice : les huissiers des finances publiqu