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les vingt-quatre dernières heures

La langue française a subi ces vingt dernières années une sévère poussée de désorganisation dans l'emploi des adjectifs dernier, premier, prochain placés au contact d'un nombre.

La grande majorité des journalistes, des orateurs politiques et des rédacteurs publicitaires [seules cibles de la causticité de nos rappels élémentaires en matière de maniement de la langue] nous parlent des "prochaines 48 heures" ou des "dernières 24 heures". Entraînant le public à patauger dans les fautes qu'ils banalisent, ces professionnels de la langue vivent sous l'influence de mauvaises traductions de l'anglais, langue étrangère dans laquelle l'ordre des mots est ici l'inverse du nôtre.

En français, l'adjectif cardinal (un, deux, trois, etc) doit toujours se situer avant l'adjectif qualificatif. Ce n'est pas une option, c'est une obligation.

Pour expliquer les choses moins savamment, nul n'ignore que le français exige que l'on dise : "j'ai trois grands enfants", et non : "j'ai grands trois enfants" ; et "les dix plus belles villes du Maroc" plutôt que "les plus belles dix villes du Maroc". Sous peine d'incohérence, on ne peut donc pas dire "les dernières vingt-quatre heures", pas plus que "les dernières vingt-quatre secondes". Le seul ordre correct de ces mots est : "les vingt-quatre dernières heures", "les vingt-quatre dernières secondes".

Cette règle intangible du français se vérifie aisément pour les jours écoulés ou à venir : chacun dit bien "dans les deux prochains jours" et non "dans les prochains deux jours". L'ordre à respecter est exactement le même pour "les quarante-huit prochaines heures", synonyme de "les deux prochains jours".

N'est-il pas vertigineux de devoir rappeler à des professionnels de la langue sur quelles fondations doit s'édifier leur discours, et ce jusque dans l'ordre le plus élémentaire des mots ?

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Commentaires

Torsade de Pointes a dit…
Je ne suis pas d’accord. « Vingt-quatre heures » est à considérer comme une unité de durée, au même titre que minute, mois, année etc. ; dire « dernières vingt-quatre heures » est donc non seulement justifié, mais encore la seule forme possible dans l’immense majorité des cas. « Vingt-quatre secondes » est un cas différent, car il ne peut pas figurer comme unité de temps (« soixante secondes » à la rigueur, mais on dira plus volontiers « minute ») ; « dernières vingt-quatre secondes » est par conséquent aberrant, et «vingt-quatre dernières secondes » est la seule séquence possible. L’espagnol dit aussi, très logiquement, « las últimas veinticuatro horas », sans qu’il faille y voir une influence de l’anglais.
Miss LF a dit…
Cher lecteur fidèle.
Vous citez des idiomes étrangers, or c'est justement le problème ici souligné : des hispanismes et des anglicismes syntaxiques ou stylistiques viennent parasiter la cohérence interne à notre langue.

Le seul ordre correct en français est de placer l'adjectif numéral en premier. Il n'existe AUCUNE exception à cette nature de notre langue.

Oui, 24 heures a été lexicalisé, comme synonyme de un jour. Nul n'en disconvient.
Robe de mariée et Chef de service aussi ont été lexicalisé.
Mais aucune de ces "formules toutes faites" n'est devenue insécable lorsqu'il s'agit d'y introduire correctement un adjectif.

Robe de mariée blanche (et non robe blanche de mariée, Bon chef de service (et non chef bon de service), Quanrante-huit prochaines heures (et non "next 48 hrs")

Miss L.F.
*

PS : Votre "désaccord" montre combien cette faute indéniable s'est profondément incrustée, même dans l'esprit de gens qui s'expriment avec soin. Au point que cela s'étende à "les fameux cinq milliards" au lieu du seul ordre correct "les cinq fameux milliards".




Torsade de Pointes a dit…
Excusez-moi, je persiste à penser que « vingt-quatre heures » est à prendre — ou peut être pris, ou devrait pouvoir être pris (vous voyez que je suis circonspect) — comme un bloc (non comme une succession d’heures prises individuellement), c’est-à-dire comme un ensemble lexicalisé. Il y a en français une foule de mots composés (trois-mâts, mille-raies, quatre-cylindres…) dont le premier élément est un nombre et le second un substantif au pluriel, et qui sont inséparables, c’est-à-dire qui n’admettent pas qu’on intercale aucun adjectif entre leurs deux composantes. Ce qui semble plaider contre ma thèse est le fait que ces mots, à la différence de « vingt-quatre heures », sont lexicalisés non seulement du point de vue de l’usage, mais aussi de la forme : ils s’écrivent avec un trait d’union ou en un seul mot, et s’accompagnent d’un article au singulier (un trois-mâts, un ou une quatre-cylindres, suivant qu’il s’agit d’un moteur ou d’une voiture). En raison de cette lexicalisation parachevée, nul ne sera tenté de dire « mille jolies pattes » au lieu de « jolis mille-pattes ». Quant à « vingt-quatre heures », si ce terme est ressenti par beaucoup comme un élément lexical et en est un, selon moi, de plein exercice, il n’en a pas (encore) pris toutes les formes : sa lexicalisation s’est comme interrompue en cours de route. Pour accomplir sa mutation en lexème, et se mettre en cohérence avec sa qualité de bloc indivisible, il faudrait qu’il adopte un trait d’union et se mette au singulier, soit : « un vingt-quatre-heures », mais là, je fais de la grammaire-fiction. En raison de cette qualité de bloc, et en dépit de la lexicalisation morphologiquement inaboutie, il me paraît illogique, un peu choquant même, d’intercaler un adjectif entre les deux composantes (le nombre et le substantif) de ce terme, presqu’autant qu’il me heurte de voir écrit « mille jolies pattes ». Subjectif, me rétorquera-t-on, mais je pense ne pas être le seul à raisonner ainsi. De fait, l’usage est flottant, et doit nous inviter à modérer notre jugement, et à se garder de faire des déclamations péremptoires.
Miss LF a dit…
La locutions « vingt-quatre heures » n’est PAS un nom composé. Toute l’erreur est précisément de la traiter grammaticalement comme cette catégorie d’objets syntaxiques et stylistiques à laquelle elle n’appartient pas.

* * *
LA SOURCE : un faux ami syntaxique.

Historiquement, sachez que c’est une simple faute de traduction de l’anglais correct « the last two days » qui a instillé ce désordre des mots sur le modèle anglophone dans le style oratoire médiatique français. Et, par contagion, au détour des années 1990, dans le langage courant de locuteurs francophones peu regardants sur la justesse de l’ordre des mots dans notre langue.

Mais vous ne trouverez nulle part ce désordre chez Yourcenar, Camus, Quignard ni même Frédéric Dard ou Michel Audiard. (Nous avons vérifié ;-) Le virus ne s’était pas encore répandu.

Miss L.F

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