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Articles

Affichage des articles du 2015

évoluer n'est pas jouer

" L'an prochain, Machin-Truc n'évoluera pas en équipe nationale ". Ce titre de la presse sportive n'a que deux sens dans notre langue, dont ni l'un ni l'autre, hélas, ne correspondent à la pensée du journaliste. Ce joueur de football n'évoluera pas en équipe nationale ? En français cela signifie que Machin-Truc ne fera aucun progrès l'an prochain au sein de l'équipe nationale, que son évolution y sera nulle. Ou bien cela signifie que l'évolution de sa carrière ne le mènera pas en équipe nationale. Mais les amateurs de foot donnent à cela un autre sens qui leur est propre : évoluer est synonyme dans leur esprit de jouer  [au football]. Or, non : évoluer n'est pas jouer ! Violonistes et pianistes restent fiers de jouer de leur instrument. Les footballeurs professionnels et leurs commentateurs, eux, semblent estimer plus valorisant pour un joueur d' évoluer au foot plutôt que d'y jouer . Sans doute espèrent-ils ains

s'égarer en politique

Un député français a déclaré, à propos d'un adversaire politique, ex-ministre de l'éducation nationale et ancien professeur de philosophie : " c'est un philosophe égaré en politique ". Cette attaque (car c'en est une dans l'esprit du locuteur) sent bon le compliment involontaire. Elle sent aussi l'inculture linguistique, politique et philosophique. Car la politique est une branche de la philosophie ; comme le sont la logique, la morale, l'esthétique, l'épistémologie, etc. Tout philosophe est donc chez lui en politique, et non " égaré " là. On aimerait que les politiciens se souviennent que leur activité ne se définit ni comme l'exercice du pouvoir sur autrui, ni comme l'art du pugilat verbal, ni comme la mise en scène de soi-même sous des titres avantageux, mais effectivement comme la philosophie en action dans la société pour le bien de tous.

louer solidaire

Cherchant à concurrencer les sites de location de particulier à particulier, la mairie de Paris a créé un service municipal spécifique (1). Personne n'a été en mesure de lui trouver un nom en vrai français. La première magistrate de la ville semble avoir jugé préférable d'accélérer l'effondrement de la syntaxe et du vocabulaire en choisissant la dénomination " louez solidaire ", qui viole durablement la grammaire du français. La Fondation Abbé Pierre tombe dans le même travers, sans davantage d'égards pour ce trésor premier des humbles : la langue qu'ils parlent sans bourse délier. On apprend pourtant dès l'école primaire que les verbes (ici le verbe louer à l'impératif) sont qualifiés non par des adjectifs (ici solidaire ) mais par des adverbes. En français, on participe activement , on donne généreusement , on informe charitablement et on agit solidairement . La Mission linguistique francophone invite donc les propriétaires parisiens à

cocorico

Il y a vingt ans, la Mission linguistique francophone - encore à l'état de club facétieux qui décochait des courriers moqueurs à l'attention des professionnels de la langue les plus obstinés dans l'erreur - a dressé une liste de mots anglais dont la mauvaise compréhension par les journalistes et traducteurs de l'audiovisuel et du marketing risquait de déborder le seul cadre des fautes de traductions pour se répandre et s'installer massivement dans le français courant. C'est chose faite. Ces mots anglais avaient leur juste équivalent en français, mais des traducteurs négligents ont fini par imposer dans notre langue un terme de la forme la plus ressemblante et non la plus juste. Ainsi, en matière de cinéma, le mot latin studio désigne en français un lieu de prise de vues ou d'enregistrement. Pourtant aujourd'hui, quand on vous parle de " grands studios américains " on évoque en fait " les grandes sociétés de production de films améri

gêne occasionnée par la RATP ou la SNCF

A juste titre, de nombreux usagers jugent horripilante la formule apparue au début du XXIe siècle : " veuillez nous excuser pour la gêne occasionnée ". Inventée par la RATP, la " gêne occasionnée " a fait tache d'huile dans pas mal de cerveaux, au point de s'y imposer comme un nouveau cliché : un cercle vicieux, une fausse joie, un panier percé, une gêne occasionnée . Apparemment anodine et pleine de sollicitude, la formule " veuillez nous excuser pour la gêne occasionnée " offense non seulement la langue mais la logique et la morale. En voici la démonstration. Sur le plan linguistique et logique, on déplorera dans " la gêne occasionnée " deux choses qui vont de pair :  1• un abus de précision voisin du pléonasme, appelé périssologie : toute gêne est occasionnée, inutile de le préciser ; 2• l'absence d'un complément d'agent ou d'objet : occasionnée par qui, par quoi, à qui ? Si la précision par qui, par quoi

on ne tire pas les conséquences

" Il faut en tirer les conséquences " ne veut rien dire (*) : ce n'est qu'un nœud dans la langue de bois. On tire le diable par la queue, on tire une histoire par les cheveux, mais on ne tire pas des conséquences, on tire des conclusions . On peut aussi tirer des leçons . Tandis que les conséquences, on les assume . Éventuellement après les avoir mesurées (" mesurez-vous les conséquences de vos actes ?"). Le monde politique francophone fourmille pourtant d'orateurs haut placés qui "tirent des conséquences" (sic) à tout propos ou exigent que d'autres s'en chargent, par amalgame entre tirer des conclusions et assumer des conséquences . Cette confusion est à rapprocher du cafouillage " loin s'en faut " (sic), lui aussi vide de sens, qui résulte également de l'incorrecte hybridation de deux expressions correctes : loin de là et il s'en faut de beaucoup . (*) Peu importe que divers dictionnaires s'en acco

métier n'est pas un adjectif

Le site officiel du ministère de l'Intérieur français a annoncé simultanément un bonne et une mauvaise nouvelle, et l'a fait en ces termes, extraits d'une offre d'emploi : "intégrer une direction qui comporte une grande diversité de domaines « métier » avec de hauts niveaux d’expertise, c'est l'opportunité que vous propose [le] ministère de l'intérieur." Cherchant à se libérer de l'obligation de trouver le mot juste, on remarque que le rédacteur de l'annonce du ministère, gêné par sa propre carence, s'est senti obligé d'entourer " métier " de guillemets, comme si cela gommait ou atténuait la faute de français. Détrompons-le charitablement : 1°/ non, "métier" n'est pas un adjectif qualificatif ; 2°/ non, un mot au singulier ne peut pas qualifier un mot au pluriel (ici, le nom commun  domaines ) ; 3°/ non, les guillemets ne gomment pas les fautes, ils les enjolivent à peine. Il n'est donc pas perm

à propos du dû

Un ancien président de grande association de cadres prend la plume dans son blogue pour demander la démission d'une ministre du travail française qui vient de choquer ses concitoyens par son ignorance patente de la législation la plus fondamentale en matière de contrats de travail précaires. Cet excellent homme est fâché contre la ministre, et il y a sans doute lieu de l'être, mais il est aussi fâché avec l'accent circonflexe puisqu'il l'omet quand il en faut un et qu'il l'ajoute où il n'y en a pas. Ainsi évoque-t-il "le respect qui lui est du" au lieu du respect qui lui est dû , puis une "côte de popularité" au lieu d'une cote de popularité . A force de ne plus prononcer correctement les sons voyelles selon la présence ou l'absence d'un accent circonflexe (1), un nombre croissant de professionnels de la communication s'égarent à confondre la tâche qu'ils accomplissent avec la tache que leur ignorance de la

spécialisé en p'tit nègre

Dans la présentation des sites internet d'un célèbre éditeur de la presse professionnelle, on peut lire cette description, très conforme à une tendance du français des affaires : " sites spécialisés métier " ( sic ). C'est ce qu'on appelait jadis du " p'tit nègre ", parce que les Francophones d'Afrique noire fraîchement colonisés avaient injustement attiré sur eux les railleries qu'inspirait une maîtrise parfois sommaire de la syntaxe de la langue maternelle de leurs colons. Hier : " y'a bon Banania ". Aujourd'hui : " sites spécialisés métier ". Ne sait-on plus, dans le monde des affaires ni chez les rédacteurs de la presse professionnelle francophone, comment construire une simple phrase comprenant le mot spécialisé ? Réveillez-vous : en français non risible, on n'est pas pas "spécialisé chose" ! On est spécialisé en ou spécialisé dans quelque chose. On est spécialisé dans les métiers de la fo

serrez à gauche, restez à droite

Les systèmes de guidage satellitaires embarqués dans nos véhicules, connus sous le sigle GPS , nous parlent bien mal. Une fois encore, la faute en revient à des industriels qui tiennent pour négligeable le travail de traduction, et laissent ce soin à leurs ingénieurs, à leurs commerciaux, à leurs juristes, à n'importe qui sauf à des traducteurs de métier. À moins qu'ils aient recours à de piètres traducteurs de métier. Quoi qu'il en soit, les GPS parlants sont en train d'instiller un virus nouveau dans la langue française : la traduction mot à mot de l'anglais " keep right, keep left " par " gardez la droite, gardez la gauche " (sic). Or, en français normal, en français non robotisé ni lobotomisé, " keep left " se dit " serrez à gauche ", ou " restez à gauche ", ou encore " roulez à gauche ". Mais jamais " gardez la gauche "... Jamais ? La Mission linguistique francophone prévoit au contra

literie et mobilier de jardin

Dans le catalogue et dans la signalétique intérieure d'une enseigne d'ameublement dont l'un des dirigeants est un ex-ministre français du redéploiement industriel, les chalands peuvent s'effarer de se voir proposer une rubrique intitulée Chambre et bedding (sic) au lieu de Chambre et literie . On trouve pareilles anomalies linguistiques chez des marchands de mobilier de jardin qui qualifient leurs collections de " outdoor " (sic). Egarés dans le snobisme des jargons professionnels faussement anglophones mais réellement snobs, les directeurs du marketing qui préconisent de tels intitulés semblent avoir complètement perdu le sens commun. We are NOT English speaking customers, guys !  Merci de nous parler français. Il se trouve que les mots jardin et literie sont particulièrement agréables à l'oreille et à l'esprit, et pas plus longs à écrire ni à articuler que leurs équivalents anglais ; so why the f... change them for this awkward "outdoor

taxer de

Accuser ou soupçonner quelqu'un d'une erreur, d'une faiblesse ou d'un défaut . Tel est le seul sens de l'expression " taxer de ", qui sera donc suivie du mot désignant cette faiblesse ou ce défaut : taxer de lâcheté, d'avarice, de xénophobie, de duplicité, etc. Cette signification et cette construction grammaticale toute simple échappent manifestement à certains rédacteurs et orateurs professionnels qui emploient " taxé de " suivi d'un adjectif [" elle est taxée de laxiste "] au lieu d'un substantif [" elle est taxée de laxisme "]. Sans doute confondent-ils le sens et la construction de taxer de avec ceux de qualifier de, traiter de . Il convient de taxer ces orateurs ou rédacteurs professionnels d'incompétence ou d'approximation, et non de les "taxer d'incompétents" (sic)... ni de les traiter pour si peu d'ânes bâtés. Bien sûr, il convient surtout de ne pas les imiter. Sous pe

cosmonautes, astronautes, spationautes, taïkonautes, vyomanautes

Comment appellera-t-on en français un astronaute suédois ? Ou un cosmonaute rwandais ? Nul ne sait. Mais à chaque mission spatiale chinoise, la presse francophone s'engouffre avec une promptitude irréfléchie dans l'emploi d'un terme spécifique pour les cosmonautes chinois : ce seraient des taïkonautes . Le journal Le Monde va jusqu'à donner cette précision étymologique toute aussi irréfléchie ; c'est-à-dire tout aussi fausse : " taïkonaute signifie homme de l'espace en chinois ". Absolument inexact. Taïkonaute signifie quelque chose comme "navigateur du grand vide" en greco-latino-chinois [ nautes est un mot latin emprunté au grec]. Certains ont propagé l'idée qu'il faudrait employer des termes différents selon la nationalité de l'individu propulsé dans l'espace : astronaute s'il est citoyen des USA, cosmonaute s'il est Russe, spationaute s'il est Français, vyomanaute s'il est Indien et taïkonaute

l'usine digitale

Dérivée de L'usine nouvelle (fondée en 1891), voici un moment déjà que la publication  L'usine digitale est parue. Il y a de quoi être atterré qu'un aussi vénérable éditeur de presse propage sans garde-fou la lourde bévue qu'est la confusion entre l'adjectif " numérique " et son faux ami anglophone " digital "... En français, l' usine digitale , c'est l'usine où l'on travaille avec ses doigts ou pour les doigts. Confirmation récente et indiscutable par l'Académie française, disponible ici . La méconnaissance de l'unique sens de l'adjectif digital en français ( qui concerne les doigts ) est indigne de professionnels de l'écriture. Mais il doit y avoir une jouissance gourmande à massacrer sa propre langue de travail, sous les coups de l'incompétence terminologique, de l'inculture lexicale et de la fascination pour les jargons les plus mal bâtis, sans quoi vous n'auriez aucun lecteur pour lire l

ni : la juste négation de l'addition

Les professionnels de la langue française - journalistes, orateurs politiques, enseignants - tendent à perdre de vue l'existence de la conjonction ni . Ainsi le journal français Le Monde titre-t-il : " pas de sanctions pour Madrid et Lisbonne ". Or, la négation de l'addition n'est pas et mais ni . La rédaction correcte est ici : " pas de sanctions pour Madrid ni Lisbonne ". Dans un souci de meilleure information, il eut été plus correct encore de nous épargner ces métonymies géographiques routinières dans le commentaire politique, et d'écrire avec plus de simplicité :  " pas de sanctions pour l'Espagne ni pour le Portugal ", puisque c'est effectivement de mesures de rétorsion économique contre ces pays qu'il était question dans l'actualité internationale, et non contre les villes où siègent leurs gouvernements. CLIQUEZ ICI POUR ACCEDER AU SITE DE LA MISSION LINGUISTIQUE FRANCOPHONE [M•L•F•]  

les emmarchements, escaliers pédants

Selon les urbanistes au service de la mairie de Paris, relayés par le célèbre quotidien français Le Monde , la place de la Bastille sera bientôt restructurée et " ouvrira sur un large belvédère auquel il sera possible d'accéder grâce un double emmarchement ." En français, on appelle emmarchement la largeur d'une marche d'escalier ou l'emplacement creusé dans le limon d'un escalier pour y fixer une marche. Ceux qui parlent correctement français comprendront donc que les escaliers de la Bastille seront élargis, en vue d'obtenir un double emmarchement, autrement dit une double largeur de marches. Ces francophones éclairés se trompent, car ils ignorent le haut degré de préciosité qui parasite l'information ci-dessus. Ici, emmarchement est à comprendre comme synonyme ou métonymie d' escalier . Le " double emmarchement " annoncé est donc un escalier "double", autrement dit deux escaliers. Cet abus de langage fait florès dans

goûtu, gourmand ou savoureux ?

L'adjectif savoureux , au sens propre, est en voie d'extinction dans les médias audiovisuels et la publicité, au bénéfice de goûtu et de gourmand . Deux termes rendus indigestes par leur emploi inadapté. Est goûtu ce qui a un goût prononcé, éventuellement très déplaisant (comme la désopilante liqueur d'échalote au crapaud de la comédie Les Bronzés font du ski , dans les dialogues de laquelle ce mot fait surface). Est savoureux ce qui a une saveur agréable, voire succulente, ce qui a bon goût , voire très bon goût . Popularisé il y a une trentaine d'années dans le registre drôlatique et familier, le régionalisme  goûtu n'a pas sa place dans un commentaire gastronomique châtié. Mais de nombreux professionnels de la langue perdent de vue les notions de registre ou de niveau de langue, et emploient un terme comme goûtu sans aucune conscience de sa rusticité ni de la connotation humoristique qui s'y attache. Quant à " goûteux " (sic), q

c'est énorme

" Le public il est énorme " déclare sur France Info [en 2015] le basketteur vedette Tony Parker, commettant ainsi trois fautes de français en une seule courte phrase de cinq mots. • 1°/ ajout infantile du pronom personnel en doublon du sujet ("la maîtresse elle est gentille", "le public il est énorme") • 2°/ absence de prononciation d'une liaison obligatoire en français (prononcé " il-ê-énorm " au lieu de " il-ê- t -énorm ") • 3°/ emploi inapproprié de l'adjectif énorme . Dans le vocabulaire des sportifs de haut niveau et des commentateurs de leurs exploits, l'adjectif " énorme " bat tous les records. En tout cas, celui de la fréquence et celui de la niaiserie. C'est le champion des lieux communs. En cas de victoire, il se rabâche dans les médias sous la forme de cette déclaration enthousiaste : " C'est énorme !" Incrédule devant sa propre excellence, le sportif s'ébahit en ces termes :

similitudes et similarité

Le fait de présenter plusieurs aspects similaires sans être totalement identique se dit comment en anglais ? Similarities (pluriel de similarity) . You are right. Et comment cela s'appelle-t-il en français ? Des similarités ? Non : des  similitudes , ou même une  similitude . La Mission linguistique francophone relève une mise en péril de l'avenir du mot similitude par la mauvaise traduction généralisée de similarity et de son pluriel similarities . Les professionnels concernés (traducteurs, journalistes, pédagogues friands de publications scientifiques en anglais) sont invités à ne pas confondre le français et l'anglais, ni se tromper de désinence. Et donc, à se méfier presque autant du piège tendu aux similitudes par les "similarités", que du piège tendu à la bravoure par la "bravitude"... En français, on emploiera le singulier " la similitude " pour traduire l'idée d'une complète analogie (" la similitude de leurs deux t

veaux-l'ail (et autres chimères phonétiques)

Au journal télévisé de France 2*  du 6 mai 2015, une bonne nouvelle économique nous est annoncée : tel grand groupe rachète telle usine en faillite, sauvant ainsi deux cents emplois. Hélas, cette bonne nouvelle s'accompagne d'une autre, désastreuse : la journaliste qui relate cette information est payée pour massacrer la langue française aux heures de grande écoute et sans vergogne. Dans sa bouche, en effet, les volailles conditionnées dans cette usine deviennent des veaux -l'ail (sic). Et nul ne la corrige. La presse écrite, parce qu'elle est lue, traque sans merci les fautes d'orthographe dans ses articles. D'où vient que la presse parlée, alors qu'elle est écoutée, ne traque pas sans merci les fautes de prononciation de ses journalistes ? La Mission linguistique francophone rappelle charitablement aux rédacteurs en chef, journalistes et présentateurs de tous les médias parlés que le mot volaille est dépourvu d'accent circonflexe. Et que les

tour de main et tournemain

La confusion est fréquente ; et pas bien grave, convenons-en. Mais les actions facilement exécutées ne se font pas "en un tour de main". Elles se font en un tournemain . La locution adverbiale en un tournemain date de la fin du 16e siècle (vers 1580), précédée de peu par l'apparition de l'expression " il ne faut que tourner la main ". Pour ce qui est du tour de main , ce n'est pas un adverbe mais une expression désignant un savoir-faire manuel, la maîtrise d'un geste habile, éventuellement difficile pour qui n'y est pas exercé : " je lui envie ce tour de main, moi qui n'ai jamais su faire sauter une crêpe !" Tandis que ce qui s'exécute en un tournemain est à la portée de presque tous par sa facilité intrinsèque. NDE : Nous vous recommandons de ne pas apporter de crédit aux auteurs ou orateurs ni aux sources lexicographiques qui commettent la confusion et soutiennent parfois avec aplomb que les deux expressions sont synonymes.

nommer et rebaptiser

Le faux-ami anglais to rename  signifie donner un autre nom, donner un nouveau nom, donc rebaptiser , et non "renommer", en dépit de la popularité de ce faux-sens d'origine anglophone dans le jargon informatique. En français, rédacteurs et orateurs professionnels, essayez de nous parler français. Ne dites pas " je renomme mon roman " mais " je lui donne un autre titre ". Ne dites pas  " je renomme le fichier " mais " je le rebaptise " ou " je change le nom du fichier ". Merci. Car dans notre langue non dénaturée, être renommé ce n'est pas recevoir un nouveau nom, c'est avoir du renom. POUR ACCÉDER À LA PAGE D'ACCUEIL DU SITE DE LA MISSION LINGUISTIQUE FRANCOPHONE,   CLIQUEZ ICI

Directrices, fondatrices et chercheuses

Dans les fonctions de direction, chaque fois qu'il est établi qu'une femme n’est pas un homme, il est certain que le titre de sa fonction ne saurait être " directeur " (sic) mais bien directrice . Idem pour toute fondatrice qui n'est pas un fondateur, et pour toute femme pratiquant la recherche, qui est bien une chercheuse et non un chercheur ni - pire encore - une chercheure (sic). Paradoxalement revendiquée par de nombreux écervelés soutenant que les femmes seraient mieux loties avec des oripeaux d'hommes, l'adoption par des femmes d'un titre masculins dont le féminin existe pourtant depuis des siècles est une erreur grammaticale pure et simple ; une confusion des genres, à proprement parler. En cas d'entêtement dans l'erreur - et quelle qu'en soit la justification, ouvertement subjective (" je préfère ") ou calculée (" cela me confère davantage d'autorité ") - il appartient aux dirigeants de sociétés et ins

procès et décès

L'arrestation d'un terroriste fait disserter les journalistes de la presse parlée sur l'imminence de son procès et sur les décès de ses victimes. Plus leurs voix sont juvénile, plus ces envoyés spéciaux, récitants de bulletins d'informations ou lecteurs de prompteur à la télévision esquintent le mot décès comme s'ils ne savaient pas lire un accent grave [ce qui donne "le D.C ." au lieu du décès], et déforment plus encore le mot procès [ prononciation correcte : pʁɔ.sɛ ] qu'ils prononcent "preaucé". Ils commettent ainsi deux fautes de phonétique (Ô au lieu de O ; É au lieu de È), ce qui est beaucoup pour un mot ordinaire de deux syllabes, dont aucune ne présente de piège orthographique susceptible d'induire en erreur un professionnel de la diction, rétribué pour la justesse de son articulation et de sa prononciation. La Mission linguistique francophone attire donc l'attention des jeunes juristes, des jeunes professionnels de

dates (de concert ou de spectacle)

On appelle métonymie l'effet de style consistant à employer un mot à la place d'un autre quand cet autre terme n'en est pas synonyme mais l'évoque par un rapprochement que peut facilement opérer la pensée. Ainsi, " Paris et Alger sont en froid " constitue une métonymie de " la France et l'Algérie sont en froid " ou de " les gouvernements français et algériens sont en froid ." Avec le mot dates employé seul mais au sens de " dates de concert " ou " dates de spectacle " ou " dates de tournée " ou encore à la place des noms de villes étapes d'une tournée, le monde du spectacle et des médias use et abuse d'une métonymie pleine de banalité et de préciosité, dans des phrases comme :  " j'ai fait trente dates avec Mick " ou " les dates au Brésil seront surtitrées en portugais ". On s'abstiendra de cette frime de faux initié réellement snob, en parlant clairement et sans

la crise n'est pas près de finir

Quiconque croit juste de dire "la crise n'est pas prête de finir" au lieu de " la crise n'est pas près de finir " se met le doigt dans l'œil ; ou plutôt, la langue... Et contrairement au gecko de Nouvelle-Calédonie, pas pour voir y plus net de près ni de loin. Car dans toutes les langues dont la nôtre, les adverbes sont massivement invariables*. Y compris les adverbes loin et près . L'idée fausse selon laquelle l'adverbe près posséderait la faculté extraordinaire de s'accorder en genre, et donc d'être tantôt masculin tantôt féminin, s'est pourtant incrustée dans certains esprits, notamment ceux de trop nombreux professionnels des médias parlants.  En dépit de longues années d'études de la langue française et de leur métier d'artisans de cette langue, des locuteurs professionnels de la télévision et de la radio perçoivent l'adjectif prête comme le féminin de l'adverbe près , puisqu'ils ne craig

assistance et assistanat

Depuis quelques mois [NDE : cet article a été initialement publié en juin 2008], le Président de la République française Nicolas S. et son Premier Ministre communiquent en termes strictement identiques, et strictement impropres, sur " l'assistanat " (aux personnes en situation matérielle difficile). Il s'agit en réalité d' assistance . Le terme assistanat désigne la situation d'un assistant , d'un adjoint. Ainsi, l'assistant-réalisateur de cinéma espère que ses années d'assistanat (c'est-à-dire durant lesquelles il a fait fonction d' assistant et non d'assisté !) lui permettront de se voir confier un jour la réalisation de ses propres films. Mais une personne qui vole au secours d'une autre ne lui porte pas assistanat, elle lui porte assistance . Quelques ouvrages lexicographiques francophones [dont l'encyclopédie collaborative en ligne Wikipédia ] se sont hâtés de propager cette faute de français. Ils fournissent ainsi

abrutir et être abruti

Dans le français contemporain, le verbe abrutir et le verbe caillasser connaissent des sorts diamétralement opposés. Caillasser est un verbe argotique qui s'impose depuis quelques années dans la langue médiatique comme un verbe correct, digne d'être employé sans guillemets ni précautions oratoires, au sens de lapider ou de jeter des cailloux . Inversement, le verbe abrutir est perçu à tort comme insultant. Notamment dans sa forme passive, par confusion avec l'emploi substantif de son participe passé, un abruti, qui n'est pas le sens premier mais second. Être abruti de fatigue, être abruti de douleur, abruti par le bruit, ou abruti par le soleil [ Albert Camus in L'Étranger ], cela ne fait pas de vous un abruti . Être abruti est un état provisoire de diminution ou de ralentissement des facultés cognitives. Être un abruti est un état supposé permanent de privation de toute vivacité intellectuelle. Si l'on se reconnaît parfois diminué par la fati

viser l'avenir ou cibler le futur ?

Sous les coups redoublés de la mode, qui entraîne volontiers les esprits vers le bas, et de la négligence, qui parachève ce nivellement, la langue française voit disparaître actuellement des mots que l'on croyait impérissables. Et qui méritaient de ne pas périr. Ces mots-là ne sont ni tarabiscotés ni désuets. On peine à croire qu'ils meurent sous nos yeux. Cette extinction touche toutes les catégories de mots : verbes, substantifs, prépositions, adverbes, conjonctions... La Mission linguistique francophone s'alarme en premier lieu de la disparition presque entièrement consommée de l'avenir , à la place duquel les professionnels francophones de la parole et de l'écrit optent désormais plus de neuf fois sur dix pour l'anglicisme " le futur " (en anglais, l'avenir se dit " the future "). Ainsi, l' avenir qui régnait sur les projets des peuples de langue française est-il destitué. Le futur s'est emparé des discours a

les serious games des jeunes francophones

Il faut le voir pour le croire. Voyez-le ci-contre. Le groupe public de télévision France Télévisions a créé une chaîne éducative , où l'on n'enseigne ni explicitement le français ni ouvertement l'anglais, mais où l'on patauge dans le marais intermédiaire du franglais : serious games (sic) et replay (sic) sont au programme. Et en gras, dans le résumé des contenus de la chaîne. Les expressions jeux éducatifs (alias serious games ) et rediffusion (alias replay ) existent bien depuis des décennies. Mais justement, tel est leur tort selon les fonctionnaires de l'éducation télévisuelle de France : les termes exacts sont éculés, il faut du sang neuf. Donc du sang franglais, bien sûr. Que fait le CSA ? Et que fera la nouvelle présidente de France Télévision ? Sachant que cette estimable personne se targue de promouvoir des concepts comme " le voir ensemble " (sic), au mépris du sens commun et des récentes mises en garde de l'Académie française co