Accéder au contenu principal

Articles

Affichage des articles du juillet, 2016

chargés d'être en charge

Une expression française anodine est en train de disparaître : être chargé de (telle ou telle responsabilité professionnelle, associative, élective, etc). Elle est trop souvent remplacée par cette tournure fautive : " être en charge de " (sic). Il existe bien encore des Chargés de mission , dont la fonction tire son nom du fait qu'ils soient chargés d'une mission. Mais, oublieux d'une étymologie aussi limpide, ils se présentent le plus souvent aujourd'hui comme étant " en charge de " leur mission. Cette erreur s'est installée en français dans le milieu des années 1990 et n'en repart plus. Une fois encore, il s'agit d'une mauvaise traduction mot à mot de l'anglais " to be in charge of " qui signifie " être chargé de ". Elle s'est infiltrée sans que les défenses immunitaires de notre langue vivante aient joué leur rôle : rédacteurs en chef et secrétaires de rédaction qui ne corrigent pas un titre, un

suite à : une fièvre contagieuse

" Suite à " n'est pas français . C'est même du très mauvais français. Cette locution dérisoire est pourtant propagée désormais en France et en Belgique par les médias et les administrations avec le plus grand sérieux. Et la plus navrante obstination. Initialement, l'expression '' suite à' ' n'était employée que par des plaisantins, au même titre que " rapport à ", pour singer la langue administrative ou militaire malhabile, dans des phrases comme celle-ci : " Mon adjudant, j'voudrais vous causer suite à ma désertion pour vous donner des explications rapport à l'invasion subie subitement ". On voit bien que la construction des locutions '' suite à '' et '' rapport à '' est absolument défectueuse, puisque le complément de nom doit se construire avec la préposition de et non la préposition à (il convient de dire " le père de Louis " et non " le père à Louis " ; d

save the date : l'anglomanie parfaite

  L'anglomanie s'exprime par l'abus de termes anglophones ou « anglomorphes », c'est-à-dire d'apparence anglaise. L'anglomanie s'épanouit dans la tendance à employer des termes anglais bien que leur traduction française existe parfaitement. Elle culmine dans le recours à des termes inexistants dans la langue anglaise mais qui semblent lui avoir été empruntés (par exemple, le «  pressing  » cher aux commentateurs sportifs, employé par erreur à la place de l'anglais pressure , dont la formulation correcte en français est pression ). Plus insidieusement, l'anglomanie s'infiltre dans la tendance récente des Francophones à généraliser des constructions grammaticales contraires à la syntaxe du français mais conformes à la syntaxe de l'anglais (par exemple, en construisant le complément de nom par juxtaposition : « logement étudiant » au lieu de : « logement d' étudiant » ; « structure bois » au lieu de « structure en bois »).

dataroom et meet-up au Grand Paris

L'établissement public de la Métropole du grand Paris s'est doté d'un site internet dont les intitulés vomissent la langue française avec une âpreté désolante. Jugez plutôt ce que la capitale élargie du monde francophone vous donne à lire comme titres de rubriques dans sa version française : dataroom, meet-up, agenda . Agenda peut sembler irréprochable, si ce n'est que le mot est ici utilisé dans l'acception anglophone du terme. Ce n'est pas le petit carnet que l'on promène sur soi pour y noter ses rendez-vous (ce qui est l'unique sens de du mot agenda en français). C'est the agenda : le programme des activités à venir, l'ordre du jour, la liste des points à aborder. Mais on pourrait ne rien trouver à redire à cette métonymie [ métonymie = boire un verre au lieu de boire le contenu d'un verre ] si elle ne venait pas corroborer le constat d'un snobisme anglomane omniprésent par ailleurs. Car avec meet-up et dataroom , l'ambig

vigueur et vanité du franglais

Juste un mot sur le recours persistant aux anglicismes intempestifs dans les textes et conversations en français (manie qu'on qualifie depuis les années 1950 de  franglais . Un modeste aphorisme assumé en nom propre* : Dire les choses en anglais ne les rend ni plus actuelles ni plus efficaces ni plus parlantes. C'est au contraire le signe d'un suivisme ébloui par l'obscurité. * Frédéric Allinne (anglophile de toujours et lexicographe enthousiaste de la langue anglaise).

comment dire non

Non est notre adverbe de négation. Sa prononciation est bien connue : non, c'est "non" ! Pourtant, cette sonorité est déformée par de nombreux professionnels francophones de la parole qui croient devoir dissocier les deux lettres O+N de non dans certaines circonstances. C'est l'erreur que l'on entend par exemple dans la lecture de " non identifié " ou " non européenne " lorsque ces expressions sont prononcées "nonne européenne" et "nonne identifiée". Quels que soient nos accents nationaux ou régionaux (qui sont ici une considération hors-sujet comme nous allons le voir plus loin), la seule prononciation correcte de  non identifié  ou  non européenne  est celle qui ne modifie pas le moins du monde la prononciation du phonème traduit par les lettres O+N dans non , tout en respectant la liaison obligatoire du N devant un mot commençant par une voyelle. La prononciation sans faute est donc celle que l'on pe

hubs et clusters au Grand Paris

Dans les messages publics de l'établissement public de la Métropole du grand Paris, nous ne sommes pas seulement orientés à contre-sens vers la dataroom et le meet-up , il est aussi question de hubs , de clusters , de coworking , de tout ce qui se fait de plus exaspérant comme jargon irréfléchi et suiviste chez les tenants du style m'as-tu-vu-sortir-de-mon-école-de-management. Les constructions grammaticales autour de ces anglicismes forcenés achèvent de saccager notre langue : " ce document sera mis sur la dataroom ", nous informe-t-on. Comprenne qui pourra. Une " (data) room " étant une salle (de données), on ne saurait placer quoi que ce soit "sur" une dataroom mais peut-être dans la salle en question ? Ne cherchons pas la petite bête, ne soyons suspects ni de purisme ni de passéisme : à l'heure où l'on se targue d'habiter "sur Paris" (quelle envergure il faut pour cela, pour habiter SUR une ville !) au lieu d